Prélude ft team pinkpanther

Agressive pourtant docile, Murphy avait enjambé le portique de sécurité pour entrer dans le métro, vêtue de son plus beau pantalon en simili cuir noir moulant, crop top noir, chaussures épaisses, et une étrange veste rose fluo, assortie à sa nouvelle couleur de cheveux. Si elle avait misé sur le noir pour la discrétion, elle n'avait pas résisté à l'appel du rose, du rose, pour qu'on la voit qu'on la remarque, Murphy tâche dans le décor.
Elle avait visé plein centre, émergeant de la bouche comme une fleur qui sort de terre, regardant à gauche, à droite. C'était pas dans son habitude, de se balader en pleine journée dans la ville, trop de riches, trop de monde, trop de bruit, trop de créatures frêles qu'elle pourrait tordre en deux sans en faire exprès. Personne ne la connaissait au milieu de cette foule dense et dansante, d'un tempo presque régulier, où tout les costumes se croisaient, comme un spectacle imprévu, qui vous emporte et vous rejette à la fin, emportant toute sa magie avec.
Marchant en direction de l'ambassade E.T., elle cherchait du regard un visage familier. Parce qu'elle avait appris le message par coeur. Tu te rends devant le café, à côté de l'ambassade, et tu attends qu'on te rejoigne avec les consignes, c'est très important.En fin peut être pas dit comme ça, mais elle savait qu'elle devait retrouver quelqu'un, c'est le plus important.

Peu à l'aise au milieu de cette foule, elle avait extirpé de sa poche son téléphone pourri, sur lequel ses doigts s'agitaient frénétiquement, au rythme du tac tac de ses faux ongles roses. De temps à autre, elle relevait la tête pour chercher, mais rien ni personne n'accrochait son regard.
Elle était peut être trop en avance ?
Pourtant l'heure convenue approchait de plus en plus.
Ou alors ses camarades ne la reconnaissait pas dans la foule ?
Son rose flashy attirait l'attention quand même, et puis elle avait toujours cette même tête.
Peut être qu'on lui avait fait un faux plan ?
Impossible, inimaginable. On ne pouvait pas lui poser un faux plan, pour la simple et bonne raison qu'elle soulèverait contre un mur tout ceux qu'elle croiserait au QG si c'était le cas. Arsène inclus.
Parce que personne ne posait de faux plan à Murphy, ceux qui avaient essayé disparaissaient mystérieusement de Cosmopolis dans les heures qui suivaient cet affront.
Donc, elle était peut être trop en avance. C'était certainement l'explication logique.
En envoyant un texto, elle explosa la touche à la force de son pouce et son téléphone s'éteignait brutalement. Dick lui réparerait plus tard, c'était certainement un caprice de la technologie, elle n'aimait pas ces petites merdouilles trop fragile.
Agacée, elle enfonçait l'appareil dans sa poche en grognant, et sourcils froncés, elle scrutait de nouveau la foule, analysant chacun des visages qui croisaient le chemin de son regard façon rayon X.
Et finalement, elle reconnaissait quelqu'un.
Grognant de nouveau, elle maugréa un "ha non pas lui, c'est pas possible."
Et pourtant. Fendant la foule avec son expression de crétin prétentieux collée à la tronche, les mains dans les poches et le pas se voulant caïd (c'était raté). Magnus avançait dans sa direction.
M'enfin qui avait eu la mauvaise idée de les faire travailler ensemble ?
Murphy montait dans les tours à mesure que l'autre s'avançait dans sa direction. L'avait il vue ? Faisait il exprès de marcher au ralenti ? À tout les coups, c'est lui qui avait la suite du plan, et il prenait tout son temps, juste pour la faire chier. Dommage que son portable soit mort, elle aurait certainement appelé Arsène (qui aurait ignoré son appel mais) pour gueuler de sa voix criarde "mission annulée je répète mission annulée".

Mais après tout, c'est important.
Alors elle faisait un pas en direction de Magnus.

Bon tu veux pas te bouger ? On doit faire quoi maintenant ?

"Rendez-vous à l'ambassade". Aucune autre information. Putain.

Déjà qu'il n'aimait pas qu'on lui donne des directives, il fallait en plus que cela se déroule devant l'ambassade de ces saletés d'aliens. Un mal pour un bien, en fait, l'occasion pour lui de faire preuve de son altruisme si particulier avec en tête un nouveau plan d'urbanisme gratuit, quel homme ce Magnus, toujours prêt à agir pour le bien de sa communauté. Cette fois il avait pour projet de repeindre les alentours du consulat des hommes verts, et contre toute atteinte, non pas en rouge mais en... jaune.
Sa team sur Pokémon Go.

Il prit le soin de taper toutes les arènes et de récolter tous les points notables sur la route, il y en avait bien plus que dans le D12, saletés d'assistés du Centre, privilégiés même sur une appli mobile. Son attention était dirigée sur son écran ce qui le forçait à adopter une démarche lente contrairement à sa batterie qui faisait un véritable sprint vers le zéro. Batterie vide, écran noir, il aurait enfin pu accélérer malheureusement pour lui, il venait d'apercevoir une hideuse créature à l'accoutrement immonde avec son rose dégueulasse, Murphy, une authentique chieuse. Magnus n'avait même pas eu le temps de l'insulter qu'elle lui prenait déjà la tête. Il saisit en conséquence son portable et fit mine de recevoir un appel malgré son pourcentage nul, après tout, la mocheté en face ignorait l'état de sa batterie.

« Allo, Arsène ? Ouais, ouais... Ok, je lui dis, compte sur moi !
Eh, pauvre fille, ton boss a dit que tu devais la fermer. »

Magnus l'avait remarquée, dévisagée rapidement et esquissé une mine mécontente. Au moins, ils partageaient leurs sentiments. Mâchoire crispée, Murphy se retenait de lui en coller une quand il l'ignorait pour répondre au téléphone. Peut être que c'était enfin les ordres de mission qui tombait. Donc elle ne s'énervait pas. Mais elle avait très envie de s'énerver, et elle lui ferait certainement manger le trottoir dès que possible.
Surtout que la dernière fois qu'ils s'étaient croisés, elle n'avait pas eu le dernier mot, donc deux fois plus de raisons pour lui décalquer sa sale tête. Ce qu'il avait le don de l'énerver.
Surtout quand.. il la traitait de pauvre fille. De la part d'Arsène ?? Incroyable, pourquoi Arsène ne l'avait pas appelée elle ? Peut être parce qu'elle l'avait cassé. Et puis même, pourquoi il l'appelerait lui ? ça voulait donc dire qu'elle était vraiment en équipe avec Magnus ?
Mais là n'était pas la question. IL la narguait, au lieu de prendre les consignes, et ça la rendait folle. Surtout s'il faisait perdre du temps à Arsène.
S'approchant, non sans dégoût, de cet empaffé, elle lui explosait le pied sous le sien pour ne pas qu'il recule, tendait le bras et lui arrachait brutalement le téléphone de la main avant de lui donner un coup d'épaule pour qu'il recule.

Allo ?? ALLO ARSEEEEEEENE ??? pourquoi j'suis AVEC CE GROS débile ?? Arsène ? Arsène ?

Immédiatement elle s'attirait quelques regards curieux, mais elle n'y prêtait pas vraiment attention. Ramenant le téléphone devant ses yeux, elle captait qu'il était éteint, et donc que Magnus se moquait bien d'elle. Folle de rage, elle crispait ses oncles sur l'appareil et rayait bruyamment l'écran, avant de lui balancer en pleine figure.

ESPECE d'IMBECILE c'est MALIN de m'prendre pour une idiote, MAIS ARSENE N'AURAIT JAMAIS dit que j'devais m'la fermer, surtout en t'parlant.

Elle marquait une pause, inspirait un coup, puis se rapprochait de nouveau, sourcils froncés et mâchoire crispée.

Donc c'est bien t'es content t'as fait ton ptit numéro alors maintenant tu m'donnes les consignes et on va mener cette putain d'mission à bien sinon j'te colle la dérouillée d'ta vie espèce de gros naze.

Quand Arsène lui avait parlé de ce projet, alors qu’il ne commençait qu’à en esquisser les contours, Ludlow s’était tout de suite senti à l’aise. Il y avait toujours quelque chose de passionnant à voir Arsène élaborer des plans et des stratagèmes. Il maîtrisait son sujet, et Ludlow était ravi de l’assister dans la tâche, toujours prêt à en apprendre plus sur ses méthodes et sur ses objectifs, pour s’en inspirer peut-être, pour les analyser, les étudier, et garder le tout dans un coin de sa tête pour plus tard.

Aujourd’hui, finalement, c’était le jour de l’exécution. Et Ludlow sentait, pour la première fois depuis longtemps, le frisson de l’excitation qui remontait le long de son échine. Ludlow était très patient de nature, mais il devait admettre qu’une pointe de trépidation lui tiraillait l’estomac depuis le matin, même si bien sûr, rien ne pouvait être lu sur son visage impassible.

Il marchait d’un bon pas dans la rue, les mains dans les poches, la capuche de son sweat retombée sur sa tête, cachant un peu son visage défiguré à la foule. Il passait à côté des gens qui le voyaient sans le voir, il était un quidam, un nobody, d’autant plus qu’un petit attroupement commençait à se former, à quelques mètres de l’ambassade. Ludlow n’avait pas besoin de s’en approche pour savoir ce qu’il se passait, cela faisait partie du plan ça aussi, et il était encore une fois impressionné de voir que Arsène avait planifié jusqu’au moindre détail. Comme prévu, les agents spéciaux postés à l’entrée de l’ambassade délaissèrent leur poste pour aller s’occuper de l’incident et Ludlow se glissa à l’intérieur du bâtiment avec tout le naturel du monde.

Avant d’atteindre les portiques de sécurité, il tourna à droite, se glissa derrière un gros poteau en marbre, et retira son sweat en un tour de bras. La chemise qu’il portait en-dessous lui donnait un tout autre air, et lorsqu’il apparut de l’autre côté du poteau, le fond de teint que lui avait appliqué Lex avec méticulation rendait son visage presque agréable à regarder. Il tendit sa carte à l’agent de sécurité qui venait à lui. “Je me suis perdu, je cherche les toilettes.” dit-il dans un anglais difficilement baragouiné avant que l’autre ne lui fasse la moindre remarque. L’agent le toisa bizarrement, puis lut sa carte, avant de paraître un plus compréhensif. “Bien sûr Monsieur l’Ambassadeur, c’est au fond du couloir à votre droite.” “Merci.” répondit Ludlow et il s’éclipsa aussitôt.

Bon, j'veux pas faire ma chouineuse, mais je dois vous avouer que là, je flippe un peu.

C'est-à-dire que j'ai jamais vraiment fait des missions comme ça moi. D'habitude, j'étais celui qui bidouillait des explosifs dans son coin et qui regardait les autres partir sur le terrain. Et là, pour la première fois, je me retrouve le pif face à l'Ambassade extra-terrestre, un sac de course sur l'épaule. J'ai du mal à y voir correctement avec les lentilles de couleur, ma perruque me gratte, et j'suis pas franchement sûr que mon dentier tiendra correctement quand il faudra que je cause au mec de la sécurité. Ce matin, j'ai vraiment eu du mal à me reconnaître dans le miroir. Sans dec', j'ai l'air d'un mélange entre un redneck et un étudiant en psychologie (enfin, ça, c'est c'que m'a dit ma daronne en me voyant quitter la baraque).

Là, j'ai les tempes qui battent. Parce que, pour une fois, il faut que je sois « vigilant ». C'est Arsène qui l'a dit. Il m'a expliqué ce que je devais faire au moins dix fois, en détaillant toujours un peu plus mes actions. Même si, franchement, y'a certains points obscurs dans son histoire. J'm'en rends surtout compte au moment où le type de la sécurité me demande qui je suis et que j'lui réponds :

«  Martin Tarr. Je viens remplacer Cody. »

Vous voyez, là, je viens de répéter mot pour mot ce que Arsène m'a dit quelques jours plus tôt. Et pourtant... Ca m'paraît pas logique cette histoire. Pourquoi Martin Tarr déjà ? Y'a vraiment un type qui porte ce nom là à Cosmopolis ? Puis Cody là... Il lui est arrivé quoi ?
… J'me demande si Arsène est le genre de type à pousser un agent d'entretien dans les escaliers pour mener à bien un de ses plans.

Quoi qu'il en soit, le mec en face de moi a pas l'air d'avoir inventé l'eau chaude. Il me matte quelques secondes, méfiant... Puis quand j'lui tends ma fausse carte d'identité, il a un léger sursaut puis me fait un sourire un peu confus. Arsène m'avait prévenu que cet agent était pas du style froid et violent. Par contre, il m'avait aussi dit que les vigiles à l'entrée étaient des vrais bulldogs. Seulement, ces vigiles, j'les ai pas vu. Ils avaient l'air occupés quand j'suis arrivé.
Tant mieux.

Bref, je reprends ma carte, et l'agent de sécurité me demande de passer le portique et de poser mon sac sur un tapis roulant.

Donc ouais, je passe.
Le type remarque que j'ai emmené pas mal de trucs pour faire le ménage dans mon sac de course. Il me fait :

« Oh, vous savez, ce n'était pas nécessaire d'emmener tout cela. Nous avons déjà des produits d'entretien. »

« J'aime bien travailler avec mon propre matos. »

Il a l'air étonné, mais il hoche quand même la tête. De toute façon, il avait pas de quoi s'affoler : je transportais que des trucs style produit pour les vitres, cirage et chiffons. J'avais aussi foutu de la peinture dans une bouteille de vinaigre blanc... Mais ça, visiblement, c'est passé crème. Il a même pas relevé.
Enfin j'espère.

Le type me dit d'aller à l'accueil pour récupérer deux trois babioles pour ma journée de taf : chariot, seau, blouse, balai, etc... J'lui demande si j'ai le temps de passer aux toilettes, il m'indique la direction et, fioup, je file avec mon sac sur l'épaule.

C'était presque trop facile.

Du coup, je sais pas si Arsène a juste très bien géré son coup, ou s'il a comme idée de m'utiliser comme de la chair à canon.

Quand j'arrive aux chiottes, Ludlow est déjà là. J'lui fais un signe de tête, puis vérifie qu'il y a personne aux alentours.
C'est ok.

Je murmure comme j'ai jamais murmuré avant:

« Tu as tout ? J'vais aller récupérer le chariot. »

C’est vrai que ça avait l’air presque trop facile, à y regarder comme ça. Ludlow n’allait pas s’en plaindre, certes, mais il avait assez bossé avec Arsène pour se méfier de ce qui tournait trop bien. Bien sûr, c’était un plan prévu d’avance, il n’y avait pas de raison que cela se passe mal, mais tout de même. Ludlow restait sur ses gardes, parce qu’il estimait que n’importe quoi pouvait arriver. Mutt arriva dans la foulée et à peine eut-il passé la porte des toilettes que Ludlow la bloqua avec un élastique, afin que personne ne les dérange dans ce cours laps de temps où ils devaient communiquer. Il se tourne vers Mutt. Il ne lui a jamais vraiment parlé avant aujourd’hui -Ludlow ne communiquait pas tant que ça avec les autres membres de la Boom il faut bien le dire- mais Mutt avait l’air d’un type sympa, au point que même Ludlow se demandait un peu ce qu’il faisait là. Il ne peut s’empêcher de sourire en coin lorsque Mutt lui demande s’il a tout ; Ludlow n’avait besoin de rien pour cette mission, de rien si ce n’était son propre corps. “T’inquiètes.”

Ludlow avise alors son visage dans le miroir derrière Mutt : avec la sueur du stress, qu’il ne peut nier avoir -c’est l’excitation de la criminalité- le maquillage de Lex commence à s’estomper de sa nuque et ses cicatrices de brûlure sont de plus en plus voyantes. Si quelqu’un s’en aperçoit, il risque gros. Ludlow se mord la lèvre et reporte son regard sur Mutt, ce n’est pas la peine qu’il lui parle de cela, il peut gérer tout seul ce (petit) inconvénient.

“Je vais sortir en premier, j’irai à droite. Je fais le tour du bâtiment et on se retrouve dans la salle des machines, comme prévu.” Ludlow jette un coup d’oeil à sa montre. “On est dans les temps. Stresse pas trop.” Arsène avait prévu que tout se passe sans précipitation, la diversion devant l’ambassade commençait sans doute à rameuter de plus en plus de monde et sans doute que l’intérieur du bâtiment étaient moins concentrés que d’habitude. “A tout de suite.”

Ludlow s’éclipsa et marcha d’un pas assuré dans les couloirs de l’ambassade, le regard levé et le dos droit comme il n’avait vraiment jamais l’habitude de le faire - ça donnait l’impression qu’il était encore plus grand qu’il ne l’était déjà. Personne ne fit vraiment attention à lui. En voyant son badge, certains le saluèrent, mais il ne répondait jamais. Il ne lui fallut pas plus de huit minutes pour faire le tour du bâtiment et descendre à l’étage qui l’intéressait. Tout d’abord il ne vit personne, et crut que Mutt n’était pas encore arrivé, puis il remarqua le vigile. Il avait l’air tendu. Un peu trop. “Eh qu’est-ce que vous faites là ?” l’apostropha-t-il. Ludlow prit son meilleur accent du patelin, celui qu’il pensait pouvoir être celui d’un alien en vacances. “Je me suis perdu…” prétexta-t-il. Le vigile le toisait avec méfiance, un sourcil froncé, il s’approcha. “Vous êtes qui au juste ? Montrez moi votre badge ?” Ludlow le tendit sans faire de commentaire. Le vigile observa le badge, puis le visage de Ludlow, toujours avec cette expression inquiète. Son regard parut soudain plus méfiant lorsqu’il remarqua le fond de teint qui s’estompait. “Qu’est-ce que c’est que…” Il sursauta en entendant un bruit derrière lui et se retourna vivement, dégainant son arme. “On ne bouge plus !” s’écria-t-il en apercevant Mutt et son encombrant chariot qui sortaient de l'ascenseur.

Ludlow fut plus rapide que le vigile. Il lui attrapa le bras et lui tordit le poignet avant qu’il n’ait pu tirer. La seconde suivante il le tenait par la nuque, Ludlow fit un mouvement vif et cette dernière craqua dans un bruit sordide, il s’effondra au sol.
Ludlow se redressa et se râcla la gorge. “Arsène n’avait pas dit qu’il y aurait des vigiles ici. Reste sur tes gardes.” conseilla-t-il à Mutt avant de désigner la porte de la salle des machines du menton. “Après toi, je te couvre.”