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like a waterfall yeah, I move slow and steady past the ones that I used to know and I'm never ready — Au début, tu dois l’avouer, tu n’étais pas follement emballé par cette idée de rendez-vous avec des anciens du collège perdus de vue. Tu n’as pas vraiment envie de te rappeler cette époque de ta vie, si proche et pourtant déjà si lointaine dans ta mémoire. Quand tu y repenses, le collège, c’est flou, comme si c’était pas vraiment tes souvenirs en fait. Comme si c’était une autre personne qui avait vécu tout ça. En un sens, ça l’est. Tu n’es plus tout à fait l’adolescent arrogant et complètement renfermé sur lui-même que tu étais à quatorze ou quinze ans. Mais au fond c’est toujours toi. Certaines choses ne changent jamais.
D’autres disparaissent à jamais.
Finalement c’est Sam qui t’a persuadé à venir, à force de sourires et de "allez, Lex, ce sera sympa, tu verras, tu vas pas le regretter". Lui aussi tu l’avais perdu de vue, et puis vous vous êtes retrouvés par le plus grand des hasards à la fac. Vous n’êtes pas spécialement proches (il est un peu trop fêtard pour toi), mais tu l’aimes bien et il vous arrive de réviser ensemble, ou plutôt, il t’arrive de l’aider à réviser. Alors tu t’es laissé convaincre en te disant que ça ne pouvait pas te faire de mal de voir des gens, et c’est comme ça que tu en arrives à pousser la porte de ce café du centre, faisant entrer une bouffée d’air froid à l’intérieur.
— Lex ! Tu tournes la tête en direction de la voix et tu les vois, installés à une table près de la fenêtre. Pour l’instant, ils ne sont que trois, Sam, Jane, et puis une autre fille dont les traits ne te sont pas inconnus. Impossible de te souvenir qui c’est. Elle est jolie, en tout cas – mais t’as pas vraiment le temps de t’éterniser là-dessus, happé dans les salutations et les "comment ça va" de tes amis. Et puis :
— Tu te souviens d’Irène ? Irène. C’est donc comme ça qu’elle s’appelle, la mystérieuse fille. Et ce prénom ne te rappelle absolument
rien. Tu lui adresses un sourire hésitant – t’as la vague impression qu’elle n’est pas ravie de te voir mais c’est probablement ton imagination. Tu es trop méfiant, Lex, tu le sais bien, pourtant.
— Ahem… Je devrais ? Parce que tu vas pas mentir, non, tu te souviens pas du tout d’elle. Peut-être que vous ne vous êtes jamais parlé, sans doute même, tu ne parlais pas à grand monde au collège. T’as oublié la plupart des gens, à vrai dire, et c’est
normal, non ? Ça fait des années que tout ça est passé. Tu la regardes dans les yeux, attendant qu’elle te réponde elle-même. Elle a de beaux yeux, d’ailleurs – avec des longs cils et des sourcils parfaits et tu ne te sens pas tout à fait à l’aise de soutenir son regard, tout à coup.
Est-ce que tu as vraiment bien fait de sortir de chez toi, en fait ?