Assourdissant. C'est assourdissant, ce bruit dans ses tympans. Cette pulsation trop rapide. Puis, tous ces sons qui reviennent, à leur tour, semblables à des projectiles qu'on aurait lancé à pleine vitesse. Les balles ne sont plus qu'un tintement presque régulier, fondu parmi toute une myriade d'autres paramètres que le cerveau de Zacc refuse de prendre en compte, du moins jusqu'à ce que l'une d'entre elles ne l'atteigne au bras. Et là, la douleur opère. Comme une piqûre de rappel, une bouffée d'oxygène. Il courait sans savoir pourquoi, à présent il est conscient.
Conscient que ce soir, quelqu'un est mort.
Ce quelqu'un c'est Luis.
Mais pourtant il faut courir. Encore et encore. Encore un peu, juste pour être sûr.
Plus de sirènes.
Plus d'altercations.
Plus de coups de feu.
Seule sa respiration irrégulière, bientôt accompagnée d'une quinte de toux, répond au silence. Il voudrait s'appuyer au poteau électrique, mais sa main glisse sur le métal pour le laisser tomber à genoux sur le béton glacé. Vomir ses tripes ou rester là à pleurnicher en attendant sagement que les flics viennent le cueillir à son tour ne sont pas des options valables. Zacc maudit son esprit logique qui l'empêche de se laisser crever ce soir, mais il a encore des choses à accomplir, et cette blessure n'est pas assez grave pour qu'il la laisse avoir sa peau.
C'est pas comme s'il s'était fait exploser la tête,
lui.
Petit haut-le-cœur.
Faut plus y penser.
Reste donc à agir. Trouver un lieu où se planquer. Un 25 décembre. À près de 4H00 du matin.
Il ne peut pas se permettre d'aller n'importe où, encore moins d'alerter n'importe qui. Déjà, pas question d'appeler sa mère, ou Darla. Ni même de les voir dans les prochains jours. Dans l'idéal, il vaudrait mieux ne pas entrer en contact avec d'autres membres de BOOM non plus. Parallèlement à cette dernière réflexion, quelque chose traverse pourtant l'esprit de Zacc. Y'a bien quelqu'un qu'il connaît, qui habite dans le coin, et qui semble ne pas trop le détester jusque-là.
Ludlow.
Ouais, inutile de se mentir, avec le recul c'était peut-être pas la meilleure des idées. Mais sur l'instant, ça semblait quasi-inespéré, comme point de chute. Alors il n'y pensa pas à deux fois avant de se mettre en route pour le quartier dans lequel vivait le brun. Par chance -ou malchance, c'est au choix-, personne ne remarqua vraiment son attitude pour le moins louche tandis qu'il rasait les murs. Les gens sortaient tous de fête, ou bien s'y rendaient. Pour la plupart, ils étaient bien trop alcoolisés pour se rendre compte de quoi que ce soit à cette heure-ci, puis Zacc avait eu la présence d'esprit de dissimuler son visage sous sa capuche.
Au détour d'un carrefour, un mendiant lui souhaita même un joyeux Noël.
Dernière ligne droite. Plus qu'une ruelle à remonter et il atteindrait le bloc ou habitait Ludlow. En temps normal, il aurait sans doute prévenu avec un petit sms, mais pas cette fois. Ah, voilà. Il y était.
Affalé sur l'interphone de l'immeuble, il sonna d'abord chez plusieurs par erreur avant de remarquer que la porte était déjà entrouverte. Ca aurait sans doute semblé craignos à quelqu'un d'autre que lui, mais Zaccary n'allait pas rechigner pour ça, certainement pas maintenant. Écartant la porte d'un coup de pied fébrile, il s'engouffra à l'intérieur.
Ascenseur hors service, très bien. Un regard vers la cage d'escalier et Zacc compris qu'il n'avait pas fini d'expier ce soir.
Une bonne dizaine de minutes plus tard, le voilà devant chez Ludlow Moore, au beau milieu de la nuit, le soir du réveillon de Noël.
Dans un dernier effort, Zacc abat son poing à trois reprise sur la porte qui se dresse sous ses yeux, mais aucun son ne quitte ses lèvres. Brièvement, il réalise que merde, Ludlow pourrait bien être en famille. Ou pire, avec sa nana ? Ou en train de se... mater un film débile. Qui sait.
Lentement, il se laissa couler dos à la porte, rattrapé par la fatigue. Pourvu qu'il soit chez lui putain.