the name's dragon... spiderdragon (lie)

Mon avant-bras droit serre mon coude et étire par vingt lieux les muscles de mes épaules. Une hanche bascule sur un côté, sur l’autre. Mon corps tangue comme un navir sur une mer agitée puis, j’inspire. J’ai l’impression de gonfler mes poumons comme deux grosses bonbonnes, d’emprunter l’O² éparpillé partout à Cosmopolis.
Le toit se fait silencieux lorsque la retransmission holographique se coupe.
Ce message s’autodétruira dans 5 secondes… Nous vous souhaitons bonne chance.

La voix grésille puis la tablette flambe. Je finis d’amorcer ma séance d’étirements au gré des détails de la mission. Un pairing ? Ah ! J’ai hâte de savoir qui est-ce que j’accompagnerai, dans ce rodéo.
Je ne compte plus les jours depuis ma dernière mission, cela allait bien faire un moment depuis que je n’avais pas revêtit l’étincelante peau de Speedragon. Le lieu de rendez-vous n’était pas loin ; je n’allais pas être usuellement en retard. La mission débuterait une fois le soleil éclipsé sous la vallée de l’Ouest.
Mon nez s’arque sur la rue adjacente, il allait falloir que je saute pour me rendre au point de localisation ; une chute dans le vide.
Ainsi fonctionnait ma mutation, plus je prenais de l’élan plus je pouvais disparaître loin. Et tandis que cette belle métaphore chatouille mes pensées, je prends quelques pas de recul – il en faut toujours pour avancer. Et sautille, frémit, j’enclenche la course folle enfin, décolle !

« WOOO-OOOH !! » – zap –

Mon périple se propage entre le monde tangible et la quatrième dimension. Partout où je passe, je laisse une emprunte active… Mes interrogations éphémères sur mon partenaire sont vite balayées lorsque je me faufile à l’arrière de l’immeuble. Des types balafrés, humains, aliens, transportent un caisson qu’ils font glissé d’une remorque. – zap – En les contournant dos au mur, j’arrive très rapidement au point de convergence. La mission s’annonce plus subtile qu’il n’y paraît, j’ose espérer que je suis prêt pour cette embardée, ainsi que mon accol-…

SPIDERMAN ?!

Je me fige, ne sachant pas comment réagir. Mon émerveillement est perceptible à des kilomètres, j’évite de pousser un rire d’exclamation. Les sauvetages rocambolesques de New York, la confrontation en Allemagne, l’affaire du ferry sur l'île de Manhattan, l’arrestation de Vulture ! Il s’agit bel et bien de lui ! J’avais entendu des rumeurs sur son volontariat à Eurêka et qu’il avait tissé sa toile partout dans la ville, ce n’est pas un rêve ! Je risque bien de travailler avec le type de chez qui je tire mes plus grandes inspirations !
Face à lui, je m’éclaircis la voix, j’ose ne pas paraître ni trop prétentieux ni trop fan. Mais Spiderman est le premier sur le coup. (pour ma part, c'est un échec...)

« ENCHANTÉ JE SUIS TELLEMENT HONORÉ DE TRAVAILLER AVEC TOI SPEEDRAGON J'ADORE TON COSTUME ET TES TECHNIQUES EST-CE QUE TU POURRAS M'APPRENDRE UN PEU DE NINJUTSU AU FAIT MON NOM C'EST PETER PARKER AKA SPIDERMAN MAIS TU PEUX M'APPELER PETER. »
« MON DIEU SPIDERMAN JE SUIS L’UN DE TES PLUS GRAND FAN, DIS MOI COMMENT TU PEUX ADHÉRER AUX SURFACES AINSI ? C'EST VRAIMENT TOI ?! TU AS VÉRITABLEMENT CÔTOYÉ LES AVENGERS ET AFFRONTER LE CAP' ? MOI C’EST LIE KENG OH MAIS TU CONNAIS DÉJÀ MON NOM DE HÉROS, WOAH ! »

Incroyable.
Nos voix se mélangent et nous parlons l’un par-dessus l’autre. Je doute même que nos enthousiasmes décalés nous ai permis d’entendre distinctement l’autre s’exprimer… Spiderman est vraiment heureux de travailler en ma compagnie, quelle aubaine !
Un mutisme fonctionnel de ma part ; Spiderman s’exprime, il a beaucoup plus d’expérience que moi après tout !

« La bouche d’aération… Excellente idée ! Nous devons faire profil bas… Ne tardons pas. »

Je m’accroupis après quelques flexions et explose du sol. Avant de retomber, je me téléporte au niveau du grillage. Un diamètre correct pour que l’on puisse pénétrer sans trop d’encombre et se faufiler discrètement. La barrière est retirée et je me tiens d’une main au conduit, tendant l’autre à l’araignée restée en bas.

« Allons-y ! »

Travailler de concert avec un héros d’une telle renom devient vite une fascination constante.
Aussi, je ne compte plus les millièmes de secondes dilapidées à observer faits et gestes de Spiderman. Il sait définitivement comment amorcer une situation… Suivre son instinct, un prérequis qu’on omet en toute circonstance, surtout lorsqu’il s’agit de se comporter comme un héros !

Des bandes de lumières dessinent nos figures suspicieuses tapis dans l’ombre, et nous surveillons pendant plus de dix minutes un groupuscule qui laisse penser entretenir un lien avec notre mission. À défaut d'être les cibles exactes, je me remémore correctement les dires de l’agence : nous devons assimiler un bonnet précis de la mafia. Il se fait appeler Rond de Cuir (Penpusher) et trempe dans le trafic en tout genre, combustible, armes, drogues… Il doit retrouver un TEKM malavisé qui s’est récemment fait relâcher de prison après quinze ans derrière les barreaux. Mais le voici qui reprend du service exponentiel. En essayant d’ajuster ses concordances, je suis la trace de l’homme-araignée. Il a littéralement la cambrure de la créature à huit pattes, fascinant !

Dans un non-professionnalisme cornu, nous déboulons de fil en aiguille dans une chambre d’hôtel ostentatoire. La soie, qu’elle soit sur les murs ou sur le mobilier, s’étend à perte de vue dans une ambiance mielleuse, et les frictions du linge bruissent.

« […] Et puis... ils ont parlé d'infiltration mais... mais on fait quoi ? On écoute juste, tu crois ? Ou on écoute et on attaque... ? »
Ma main chatouille mon menton, allongé sur le lit, proche du héros colorié en rouge et en bleu.
« D’abord, récolter le plus d’informations, tout ce que nous savons c’est que Penpusher a bientôt rendez-vous avez un criminel Tekm. Lequel ? Quelle pièce précisément ? Le but de cette affaire ? Combien d’hommes sont-ils ? L’échelle de danger… ? »

Sans que je puisse rapidement conclure un plan, la porte s’agite et explose en trombe. Un homme dodu est bousculé, de dos, sur le lit ! Je pousse l’araignée d'un côté pour qu’elle suive le mouvement, et nous nous retrouvons sous les lattes d’un pieu conjugale qui s’affaisse. Une voix de femme retenti.

« Je vais te montrer pourquoi on m’appelle l’Impératrice buccale ! »
« Oh oui ! Punie moi comme une mauvaise loque ! »
« Tu ne paies rien pour attendre mon gros ! »

En déglutissant, mes yeux se posent d’incompréhension sur Peter. Tiens, marrant, les lunettes de son masque s’élargissent d’étonnement. Je chuchote :

« On tombe super mal. Il faut qu’on s’éclipse fissa !… » Je pointe du doigt la porte de la chambre, toujours ouvertes, alors que les hostilités sont déclarées entre l’homme et sa compagne.

« Retourne moi tout dedans, Mr. Hargrave ! »
« Hargrave ? » Je m’étonne silencieusement. « Ce type, le juge Hargrave ! Il est impliqué dans les affaires criminelles, il coffre la grande majorité des super-vilains !... Il faut qu’on se tire d’ici, sans être vus. »

J’accroche Spiderman. – zap – nous réapparaissons dans le couloir qui donne sur la chambre. Elle se referme derrière nous et je m’essouffle. Transporter une personne dans une autre dimension et revenir, tout en étant immobile, est épuisant… Je me redresse et avise.

« Ok, maintenant on a un trafiquant, un ex-con TEKM et le type qui s’occupe de boucler ce genre d’affaires dans le même hôtel ! Pas de hasard, et toujours aucun moyen de déceler leur motif… » Un groom longe le mur en nous assénant un regard prenant, plein de suspicion. Nous le dévisageons comme si nous n’étions pas deux hommes déguisés en araignée et en ninja. Un ange passe, plein de gêne. Il taille sa route. « Je propose qu’on l’a joue fine mais… on ne peut pas rester dans ces tenues. »

Le même groom repasse faisant rouler un étend-linge comprenant plusieurs pièces de costumes emballées, fraîchement sorties du pressing. Je bondis sous ses gros sourcils feutrés et choqués, lui agite ma carte de membre à ERK au visage :

« Désolé, nous réquisitionnons deux pièces. »
« Mai- ??... »
« Vous avez du L & M ? »

Les évènements prennent une tournure plus qu’inattendue. Mes neurones se compressent à mesure que mes mouvements évoluent, dans cet accoutrement. L'impression d'être diminué.
Les employés de cet hôtel sont véritablement contraints de porter ces ensembles démangeants ? À vrai dire, je me fais beaucoup de soucis pour nos effets personnels. Avec une facilité déconcertante, Peter (débarrassé de nos masques, nous utilisions nos noms respectifs) avait enroulé ces derniers dans un linceul émit par son lance-toile, qu’il avait soigneusement gardé sous sa veste. Une idée ingénieuse, qui m’a inspiré à garder quelques Shurikens Fumas dans mes poches, un mouchard ainsi qu’une nouvelle invention de mes soins, Dragon Steel 180°, une légère dague de carbone, fluette au touché.

En nous pavanant, sur nos gardes, dans les couloirs je repense aux conceptions mécaniques de Peter ; elles tiennent véritablement du génie, pas de doute que les Avengers aient souhaité prendre contact avec lui. Je me contentais de défaire nombre des boutons de manchettes qui restreignaient mes poignets lorsque je me retrouve adossé contre un mur, à l'affût.
Les pièces du puzzle s’assemblent ! L’Impératrice buccale n’était donc pas digne de confiance ! Elle travaille de concert avec ces armoires à glace ?

« C'était un piège ! Ils ont embauché la fille pour l'attirer jusqu'ici, pour que le TEKM puisse avoir vengeance en ayant recourt à Penpusher ! C'est génial ! »
Génial, tu crois ?

Peter, quelle perspicacité ! Sa réactivité l’a par ailleurs déjà entraîné à distraire un possible danger, il s’agit bien d’un héros qui s'exécute en conséquence.

De mon côté, je tergiverse… Hargrave est vraiment laissé pour compte, dans une situation aussi déplorable ? Je dois conserver mes forces pour un imprévu, user de ma mutation constamment ne fait pas de moi le sauveur que je suis. Que faire ? Que faire… ? Active tes méninges, Lie Keng !
Bon sang, je sais !
Le service à emporter, la roulotte que l’on fait débarquer avec un inlassable nombre de mets jusque dans les chambres, il y en a une juste près du radiateur… !
Le juge Hargrave est lourd, emmitouflé dans ces draps. Je le bascule sur le caddie et masque sa silhouette par une longue nappe rasant le sol. En ayant vérifié son pouls, ses jours ne sont pas comptés. Il a ingéré une forte dose de GHB… La clef de cette opération, l’Impératrice buccale.  

Je pousse les roues du transport de ménage jusqu’à la chambre où Peter se situe. Il se fait tirer les oreilles par des clients mécontents ?
« Oh gamin, c’est pas toi qui va m’apprendre comment on écrit Whisky t’as quoi, 15 ans même pas ?! »
« Excusez son manque de discipline Monsieur ! C’est-à-dire qu’il vient juste d’arriver et… »
« Il vient juste d’arriver ou il est stagiaire, vous me baratinez quoi, là ?! »

J’avale un grand coup. Mes propos précipités ne concordent pas avec ceux de Peter, notre couverture est celle d’amateurs… Je tente tant bien que mal de me rattraper.

« Monsieur je vous en prie en guise de dédommagement, nous apporterons un de nos meilleurs Vin Rosé en plus du Whisky, si vous nous permettez de nous éclipser à l’accueil… »
« Non non, ça suffit, j’en ai plus qu’assez d’attendre. On vous accompagne. » Il se retourne vers son confrère. « Tu viens ? »


La porte de l’ascenseur s’ouvre sur une musique vieillotte et gênante. Les deux gorilles nous entourent de leur carrure et Peter, moi (ainsi que Hargrave, ligoté dans la roulotte que je traînasse) faisons pâle figure. Un climat douteux s’empare du lieu confiné et je remarque des talkies ainsi que des armes à feu vissées à leur ceinture.
Je fais des signes de regards peu discrets à Peter, néanmoins nous sommes coupés par les grommellements ronflants et somatiques de Hargrave.

« Ce bruit, c’était quoi ? »
« Rien, Monsieur, sûrement mon ventre vous savez j’ai quelques soucis à digérer les-… »

Mon baratin ne prend pas, la curiosité de ces masses les pousse à zieuter sous le rideau. Dans le même temps, mes sourcils balancent pour avertir Peter d'une possible accélération de nos méthodes...

« Hargrave !! Ils s’étonnent. Vous êtes qui à la fin, vous deux ?!! »

Ils ont les mains sur le manche de leurs armes !
Gardant mes paumes serrées sur le caddie en tentant de rester immobile, je me mets à affiner mes yeux.
Un coup de coude prompt est vite parti ! J’assène le mastodonte d’un second coup de poing à la tempe et me hisse sur le caddie pour attraper sa gorge, tandis qu’il se débat comme un taureau. Je n’ai pas le temps de voir comment Peter s’en sort, de son côté, avec son opposant. Les portes de l’ascenseur s’ouvrent momentanément au cours de notre confrontation impertinente sur un jeune enfant dont la morve décore le menton, une sucette à la bouche, choqué devant une telle scène. Puis elles se referment.
Agrippé au dos de mon adversaire qui fait s’agiter dans le vide la cage de l’élévateur, je suis projeté sur les murs et continue à échanger plusieurs coups avant de pouvoir finalement appuyer sur le bouton d’arrêt ! Un énième coup mal placé dans les hanches et je lui saute au nez pour l’assommer d’un coup de tête !!
Nos costumes sont froissés et nos mines ébouriffées suite à l’action, en piteuses états… Les talkies de ces menaces hors d’état de nuire gisent sur leur corps, alors que je me règle sur une fréquence.

« Ksssh… 1-2 1-2 1-2 ksssh… Bravo vous recevez ? Bravo ksssh… »
« Bravo, nous recevons ! » Ma voix se veut rauque, ridicule, juste histoire d’être plus convaincant. La situation ? »
« Willis c’est toi ? Merde pourquoi tu ...kssh... réponds pas, la transaction va bientôt avoir lieu, Penpusher s’impatiente, Razor est bientôt là, tu reçois ?... ksssh... Razor est bientôt là et il détient Pluton ! »
Razor, le nom du TEKM en question ! Nous avons étudié son cas, il travaillait dans une entreprise pétro-chimique et mécanique et détournait des fonds pour vendre un dispositif de contrôle cérébral, un bijou TEKM qui permettait à qui le souhaitait de bénéficier d’un esclave humain sous le joug de cet appareil… Pluton, de quoi s’agit-il ? Cette mission s’engouffre vers de plus sombres desseins, je lance un regard inquiet à Peter.

« Razor & Penpusher, ce sont nos hommes… Mais Hargrave dans tout ça ?... » Je m’adresse au talkie, déconcerté. « Qu’en est-il du juge Hargrave ?! Terminé. »
« Kssh… Hargrave… Kssh… t'as son fric, c’est bon ! On a plus besoin de lui, si Monica l’a endormi comme prévu alors il bénéficiera de… Ksssh… sa commande à son retour au bureau ! Rejoins nous dans les sous-sols, terminé. »

Je me pince la lèvre inférieure. Hargrave est mouillé dans cette affaire ? Puis, qu’est-ce que Pluton au final ?! Peter et moi jonchons finalement les ennemis dans un ascenseur bloqué, sans savoir comment tout cela allait évoluer…

Le doute, cette sensation qui va de pair avec la sueur.
Une anxiété maladive me gagne. Rongé de concession, devoir, interrogation, certitude, je frémis à agir. Tout serait plus simple si cette infiltration c’était résultée à une confrontation directe ! Néanmoins, cela aurait rendu notre intervention fertile, oisive…

Avec un sens aiguisé du regard, Peter me relate une scène à laquelle j’assiste du coin de l’œil. Des rangées de métal nous camouflent, derrière d’immenses caissons chargés au polyester.
Entreposés sur nos côtés, des suit-cases, en amont. Rien de plus basique pour un hôtel. Au beau centre d’un théâtre lugubre, une lumière bleuâtre clignote sur un crâne lacéré dont la chair se sépare. Une main robotique s’agite en maniant un pistolet à la anse silencieuse… C’est Razor ! Il porte une crête d’acier reliée à un visage humain… Razor n’était pas censé être un TEKM à 100% ? Seul son cou et son visage montrent une peau d’homme, le reste de son corps fait de rouages est coincé sous un pullover. Son appartenance aux vivants musculaires justifie sa fièvre, son impatience… Les Tekm sont connus pour être froids, pas lui.
En face, Penpusher. Plus posé, plus magnanime. Ses avants bras sont ceinturés de cuir, son surnom devait lui venir de là…
Ces deux personnages sont enclavés dans une ronde d’hommes de mains plus imposants les uns que les autres. Ils ont des armes blanches, des armes à feu, et se disputent le Rizzen ; mine fracassée, de longues oreilles chutant sur ses épaules.

Mes sourcils se froncent, incapable de pouvoir bouger le moindre muscle face à cette injustice. Peter aussi a l’air concerné.

« Il faut qu'on fasse quelque chose... »

Seulement, quoi ? Le sens de l’honneur de Spiderman ne lui fait pas défaut ! Une fois de plus, analyse la situation, qu’est-ce que tu vois ? Pluton est la marchandise, Penpusher est l’acheteur, Razor est le vendeur… Ce dont un vendeur a besoin, c’est d’argent – naïvement bien renseigné, je chope une valise et découvre un peu notre apparence. Il faut que j'aille au plus simple ! Je n’arrive même plus à penser.

Razor s’impatiente, il s’alarme, aussi ce qu’il désire le plus à l'instant présent, c’est l’argent de Penpusher, de Hargrave… Mais oui ! Hargrave ! Il fournissait l’argent à Penpusher pour investir le buisness de Razor ! Si il l’a mit en prison, c’était d’un commun accord, pour couvrir ses traces… Les types que nous avions mis hors-jeu dans l’ascenseur, ils devaient obtenir l’argent depuis l’Impératrice buccale !! Un nombre infâme de personnages entre en jeu, dans cette ligne de compte. Et une fois de plus, nous nous retrouverions sans doute à jouer un rôle dangereux parmi ce quiproquo, Peter et moi.

« Si tu savais ce que j’avais vécu, dans le Mausolée ! Tu sais ce qu’ils font au TEKM là-bas ? Ils ne ressentent rien alors ils… ils… mais moi, on a posé ma tête sur un foutu robot ! Alors j’ai souffert plus que n’importe quelle machine ! » Où veut-il en venir ?
« Il faut que tu relâches la pression, Razor. J'imagine ce que tu ressens, 15 ans c'est long... Une fois que tu auras ton argent, tout sera terminé. Toi, comme moi, nous retournerons à nos occupations. »

Oh-oh. La tension grimpe. Je profite des beuglements de Razor pour décapoter le caisson derrière lequel notre escamote prend place, et remplis par douzaine la valise de polyester. Je regarde Peter, incertain de mon coup. J’espère que Spiderman ne me prend pas pour un fou.

« …Ne me dis pas… de me calmer quand tu n’as pas mon putain de fric !! » BAM.
Un homme à terre. Il s’écroule comme une feuille morte. Razor a fait feu sur un type de son escouade. Penpusher lève un sourcil. Je réagis sévèrement, un type vient réellement de mourir ?...

« Il a un peu de retard, le type sous mes ordres supposé revenir avec ton argent. Mais je t’assure que je ferai de ce dernier un exemple pour ne plus jamais décevoir mes contacts d’achat… Maintenant, baisse ton arme. »

J’arrange mon costume, me lèche la paume de la main et salive assez pour pouvoir plaquer mes cheveux en arrière, histoire d’avoir l’air d’être de la partie.

« Peter, tu me fais confiance ? » Je lui lance en me levant brusquement. « Reste caché et n’interviens seulement si tout tourne à la folie… Sauver Pluton devient notre priorité ![/color] »

Je n’ai délibérément pas conscience de ce que je raconte, et mes actions fusent à la cataracte. J’entre lentement dans le cercle de mafieux, contourne le cadavre rougi... Si je faisais ce job c'était justement pour éviter qu'il y ait des morts et là...
Une grimace sérieuse s'affiche. Mon air est rigide mais mon esprit est en trouble complet, s’ils comprennent la mascarade, je suis foutu.
En traînant cette grosse valise, je convaincs les gardes du corps de me laisser passer, et j’improvise ; se faufiler dans le cadre avec une assurance aussi déguisée, et tous ces regards sordides plantés sur mon galbe font se hisser la perniciosité de mes manières. Un déplaisir me plante.

« Bordel mais t’es qui toi ? »
« Toi... Tu n’es pas Willis. » Remarque Penpusher. « Où est-il ? »

Je demeure silencieux, souffle et m’empêtre dans ma plus belle interprétation de Vito Corleone, la bouche décousue.  

« Ton gars... je l'ai retrouvé raide bourré comme une planche… Puis, officiellement, mon patron a cru bon de m’envoyer pour combler votre deal. »

Mon patron ? Qu’est-ce que je raconte, si ça se trouve, il travaille en solo, sans contact extérieur…

« Je lui avais pourtant dit de rester en dehors de ça…! Alors comme ça, tu as les 2 millions ? »

C’est une blague ? Cette improvisation rampe comme un serpent puis, 2 millions de dollars ?! Une somme si grosse pour un tel dispositif… !? Il s’agit là d’une arme de guerre ! L’importance de Pluton vient de tripler.

« Haha. » Je remue la tête, effrayé de ce que je peux déballer. « J’ai 5 millions et trois conditions. » Merde. « Le patron souhaite que tu me dévoiles ton business en triangle entre Razor, Hargrave et toi. Que tu m’apportes toutes les informations sur ce Pluton et qu’il passe les prochaines 24 heures avec nous, après quoi il te sera restitué… » Je jette la valise sur le sol et remarque dans un temps de latence qu’elle est chiffrée, une chance ! Ils ne pourront pas l’ouvrir instantanément pour en vérifier le contenu. Je continue en grossissant mes traits. « 2,5 millions pour Razor. 2,5 millions pour toi, de la part de mon patron. »

Ce n’est pas une proposition, mais un ultimatum. Plutôt fier de cette adaptation risquée, je fais remuer mes sourcils pour que Peter reste sur ses gardes. De là où il est, il peut me voir. En attendant une réponse, une exclamation se distingue du côté des hommes de Penpusher.

« Hé ! Il lui arrive quoi à ses cheveux ?! »

Mes cheveux ?... Mes cheveux !? Ma mutation prend le dessus et mes cheveux passent du noir au vert sans mon consentement, comme ils ont l’habitude de le faire deux à trois fois dans la journée ! Je me sens embêté alors qu’ils se teignent, c’est quelque chose que je ne peux pas à proprement justifier, et j’espère qu’aucun d’entre eux n’a connaissance du héros qui se décolore, Speedragon ! Les comportements se ruent vers le suspect et je tente de rester impassible, faisant toujours face à l’araignée muette dans l’ombre…

L’étonnement de teinture et le pic du mensonge se propagent le long de mon échine. Ils savent. Le tabou se déroge sans grande honte, avec beaucoup de surprise puis en même temps soutenu d’une violence préméditée. L’émanation pesante se dissout sans mal et laisse place au langage brut, celui des coups, des armes, des tirs de feu et dans cette panade je rejoins l’enthousiasme préconisé de l’araignée. Aussi serein, berné par cette perturbation. Spiderman ne cessera de m’étonner !

J’harponne la grosse valise en levant les sourcils pour l’éjecter sur la figure du premier homme de main à me fondre dessus. Le combat est à tes risques et périls, aussi, il est enclenché. Et tandis que je m’élance dans une frénésie de combo, faisant valser pieds à la mâchoire et poings à l’abdomen, Pluton, le Rizzen, l’essence de notre mission est récupéré entre les manchettes puissantes que je distribue.
Avec Peter, nous nous l’échangions comme un service de tennis de table. Notre maîtrise de la baston a de quoi abrutir ces clowns mafieux. Mais ils sont plus nombreux et très vite, nous sommes cernés. Dos à dos dans la tumulte de canons braqués contre nos nez.

« S…Sortez-moi… de là, pitié !! »

C’est Pluton. Il s’affole, s’inquiète, se perd entre crainte et soif de liberté. Comment on peut lui en vouloir ? Razor quant à lui, est fou de rage. Nous l’avons bien emmerdé…

« On va vous faire votre fête, il ne restera de vous que des cendres j’vous l’jure !! »

Son cou métallique élargissant son grand visage humain gesticule de tension, il a délibérément un physique peu agréable à regarder.
Peter presse son dos contre le mien. Il ne nous reste aucune issue, hein ?

« Merci pour le compliment sur mes cheveux… Il faut qu’on…- »
« [...] C'est peut-être le moment d'utiliser ton pouvoir en fin de compte... À un... deux... trois ! »

Quoi ? Hein ? Peter, je ne lui ai pas précisé les limites de mon pouvoir ! Je dois pouvoir visualiser un endroit où fuir depuis ma position, l’extérieur, d’ici, n’est pas accessible ! Rah puis merde ! Il agrippe ma main en quête de fuite, de sécurité... Tout ce que Speedragon peut fournir !!
Une de mes pupilles se détache de mon champ de vision habituelle ; la tenaille dans laquelle nous sommes pris s’écarte légèrement en triant mes pensées et j’aperçois une issue, les portes de l’escalier de secours ! Qu’attendent-ils pour tirer ? Leur fric inexistant, sans doute… Je tâte ma poche et repense à l’attirail que j’ai emporté avec moi. En plus du mouchard, une bombe-ninja glissée dans ma chaussette… Une moquerie s’érige sur mon visage, j'imagine qu'il va falloir la jouer à l’ancienne !

« On est des héros, bande de nazes ! Vous pensez qu’on allait vous laisser agir comme ça ? Vous vous mettez le doigt dans l’œil ! »
« Wooah ! Qu’est-ce qu’il fout ?! »

J’hisse la bombe-ninja dans la paume de ma main, en la tirant de ma chaussette et la balance contre le sol. Un rideau opaque de poudre fumante inhume le sous-sol dans l’incompréhension et la panique.
Thunderstruck.

« FEU !! NE LES LAISSEZ PAS S’ÉCHAPPER !! »

Les flingues hurlent pourtant nous sommes déjà loin avec Pluton. Téléportés à l’opposé de la pièce là où donne la cage d’escaliers. Nous les escaladons en trombe et je presse amicalement Pluton à se dépêcher, Peter, lui, nous suit de près. L’otage ralentit la cadence et se met à s’essouffler alors que nos poursuivants bâtissent leur route jusqu’à l’escalier, sur nos traces ! Dans notre course effrénée je dégaine mon téléphone portable et le lance à Peter en proposant à Pluton de monter sur mon dos. Je suis assez costaud pour m’occuper d’un Rizzen tout frêle.

« J’ai posé un traceur sur Razor, appelle la police ! Pour le reste… On doit improviser… »

Et nous sprintons en sautant les marches deux à deux.

Sauter ? Tout de suite ? Merde ! Ils rappliquent déjà ! T’es pas ser-… !! Une chute. Un balancement. Un haut le cœur plus violent que ces abandons dans le vide dont j’ai l’audace. On rase le sol, je me cramponne si fort à ce pauvre Pluton que mes phalanges lui pénètrent les cuisses. Comme pour le rassurer et de mon côté, relativiser… !

Le talent d’improvisation de Peter est véritablement exceptionnel, l’intérêt que Iron Man lui porte ne fait aucun doute ! Nous sommes dépêchés entre deux murs étroits, à la sortie d’un restaurant mexicain. Je sens les poumons de Pluton battre sur ma poitrine, et aussi tôt que je le pose et que Peter lui tapote gentiment le dos, il dégueule contre le mur le plus proche. Je ne peux pas m’en empêcher, à la fois en rassurant innocemment l’ancienne victime, de partager avec Peter l’un de ces drôles de regard ; un engouement mutuel, de l’admiration et surtout, beaucoup de respect.

« Si tu n’avais pas été là… Pete… » Pete ? Je pose un doigt sur ma bouche. Il s’agit du héros qui m’a le plus récemment inspiré. « Spiderman ! Je veux dire ! »
Soudain, mes songes font un bond plus tôt. Nous nous sommes facilement échangé nos identités secrètes, nos meilleurs atouts, nous avons œuvré en collaboration avec beaucoup de facilité sans compter que…

« Je ne sais pas si c’est une chose qui se dit, surtout à cet instant mais… Je me suis beaucoup amusé. » Et d’un rire, j’éclate.


Nous avons dépecé les costumes sélects en plusieurs petites loques, de façon à dissimuler nos visage de la foule. Quand nous approchons de l’hôtel, la majorité des mafieux ont les mains décorées de menottes. Dont Penpusher. Razor a définitivement prit la fuite… Une chance que le mouchard ait été installé à temps. Nous retrouvons du regard le fameux Willis, qui nous avons combattu avec son partenaire dans l’ascenseur. Aucun signe de l’Impératrice Buccale. Hargrave quant à lui est dans un sale état ; la devanture de l’immeuble triomphe d’une comédie que l’on aurait soupçonné.


« Merci pour vos services, Spiderman, Speedragon ! Vous avez fait très fort, on a pu démanteler un important réseau d’achats et de ventes illégales… ! Le traceur sur Razor nous servira beaucoup ! »
« Ce n’est rien. On a beaucoup dévié de nos objectifs premiers, si vous n’aviez pas été là il nous aurait fallut la soirée pour leur échapper dans tout Cosmopolis. Puis maintenant enfin, Pluton est en lieu sûr… ! »

Le policier finit de gratter ma déposition sur son calepin et siffle de deux doigts claqués sous sa langue.
« On a retrouvé ça dans la chambre de Hargrave. »
Nos costumes oubliés nous sont transmis dans un gros sac alors que nous paraissons légèrement penauds. Je coiffe rapidement la tête de Peter de son masque à la vue grandissante de civils. Tout ce qu’il reste de lui ; des vêtements de soirées et une crâne enfoncé dans du rouge. Pour ma part, aussi promptement, je dissimule mon visage derrière une muselière en profitant de la retenue par la police des caméras des médias braquées sur nous. En incitant Peter à nous serrer les coudes face à la foule dégoulinante de questions en prévision, j'amorce le pas en soufflant.

« SPIDERMAN !! SPEEDRAGON !! SYLVIA FORD POUR COSMONEWS !!... »
Je me tourne vers l'homme-araignée, la bouche grimaçante planquée sous cette mascarade.
« On boucle l’interview et on taille la route ? Cette journée m’a fracassé… T’as déjà fait un tour à l’Ovni Burger sur la 28ème ? Ce serait l'occasion que tu m'expliques comment tes toiles fonctionnent... »