SONG ›› Le quadrillage de la ville s’alourdissait. Des panneaux solaires allongés aux thermorécepteurs et antennes radios raidies sur les conduits d’air, tous les buildings se dessinaient.
Entre la verdure bétonnée de Cosmopolis, une silhouette aux contours éloquents se distingue depuis le trottoir sur les hauts bâtiments. Son visage n’a jamais été plus éclaircit que dérobé sous ce cocasse costume qui lui permet d’arborer une identité presque sienne. Celle de
Speedragon.
Je renifle innocemment la vie qui se dégage du parterre urbain, animé, puis retourne à mes concernes. La parabole finit de s’initialiser et renvoie un signal virtuel sur le masque que je colle à mes paupières : ça marche !
Se connecter à la chaîne de transmission principale de la police n’est pas une mince affaire, mais en détention des bons outils et des bons conseils – surtout grâce aux avisées recommandations de mon mentor, Apex ; en un tour de manche cela devient une partie de plaisir.
Aujourd’hui, j’agis de mon propre chef. Cette légère conscience indocile qui n’aime pas se soustraire à Eurêka prend parfois le dessus sur mes agissements, c'est comme ça. Je feins de n’être mû que par mes pulsions héroïques puis j’emballe mes affaires sur ce toit. Tout ce que je devais effectuer lors de cette patrouille, c’était récolter les données de la police et les transférer sur mon serveur personnel pour pouvoir être averti en temps et en heure de délits quelconques.
La rigueur des cours s’amenuisait à mesure que les vacances approchaient, et je comptais bien passer le reste de mes jours de repos à professer en tant que héros !
Au-delà de ça et plus égoïstement, j’étais activement sur la piste de Death Dog. Une fois de plus, il m’avait échappé. Notre dernière confrontation avait été courte et juste ; le pauvre homme sur qui il avait fait lourder sa patte meurtrière avait perdu une jambe. Je n’avais de cesse de le tracer depuis. Mais voilà qu’il se la jouait discret…
Je repensais à Peter, à son sens aiguë de l’enquête et de la justice. Qu’avait-il ressenti lorsqu’il était sur les traces d’un Vulture inatteignable ?
La basse ville de la journée cane doucement et les lumières du jour cèdent leur place aux illuminations nocturnes. La lune pointe à l’horizon et le crime est de sortie…
[…]
Des braqueurs d’épicerie de seconde zone. Une usuelle raclure qui s’évertue dans la violence pour pallier à la pauvreté… Une maigre grimace orne mes lèvres en bâillonnant sur un lampadaire les délinquants restants. La vitre est en miette et le magasin a subit de lourds dégâts, j’adresse des excuses au gérant.
«
Ne vous en faites pas, mon garçon. Ça aurait pu être bien pire si vous n’aviez pas été là ! »
«
…Encore désolé, en espérant que votre assurance saura régler tout ça ! »
Les sirènes de police nasillent à l’embranchement puis je me confonds au paysage – zap – abandonne sur mes foulées une traînée de poussière d’émeraude et me perche près d’une fenêtre, entre les essors d’un cadre d’escalier.
La nuit s’annonce agitée, je remarque, en consultant mon Pad qui s’émoustille à la prolifération des alertes de police. Je suis proche d’une actuelle prise d’otage, alors ni une ni deux je…
«
BAH !! Non ! Pas ça !! »
Une femme à l’intonation gémissante se faufile dans une ruelle lugubre, trébuche sur des restes d’ordures et traînasse frontalement jusqu'à un cul-de-sac froid. Je plisse les yeux, quelle est la situation ?! Elle semble supplier pour sa vie et gratte le mur pour s’y agripper et fuir, mais l’ombre sur ses talons gagne du terrain. Elle est adipeuse, sombre, la pince de son museau pernicieux… !! Non, vous vous foutez de moi…
DEATH DOG !? Te revoilà enfin !
J’abandonne ma position d’un plongeon et dégaine de petites étoiles électrifiées qui agglutinent le mur le plus proche de Death Dog. Elles auront pour offensive de lui lancer une décharge assez importante pour pouvoir l’immobiliser un moment, du moins, à partir de l’instant où j’en aurai actionné le dispositif...
Je me plante entre lui et la femme transite, enfargée dans son tailleur sale. Depuis combien de temps la pourchasse-t-il au juste ?
«
Tout ira bien madame, je m’occupe du reste !... Restez à l’écart. » J’observe Death Dog. Cette allure élancée et ce masque sordide, c’est bel et bien lui ! Surprit de me voir ? On doit partager les mêmes réactions… «
Tu sais, pour un type avec un masque de chien, t’as vraiment l’air de manquer de flair. »