celui que frappe la foudre n'entend pas le tonnerre •• Arsène & Xander

Il y a dans Cosmopolis des destinations plus charmantes (et moins risquées) que les rues du 12, c’est un fait. Toutefois, même dans ce lieu de misère, on peut voir de belles choses. Il suffit de savoir où regarder.

Le théâtre abandonné qui vous sert de base est, pour toi, Xander, l’un de ces endroits qui recèlent des trésors insoupçonnés ; non car tu trouves du charme dans son architecture vieillotte et à demi en ruines, mais parce que les scènes qui s’y déroulent te fascinent. Et y jouer un rôle, si minime soit-il, suffit à te réjouir.

Aujourd’hui, pourtant, quand tes déambulations t’amènent à ta destination favorite, tu es surpris de l’absence d’agitation. Il est rare que le calme règne là où quelques uns d’entre vous sont réunis. Tous les membres de la BOOM ne sont pas dotés de ton don pour la discrétion, loin de là. Mais ce soir, ils sont aux abonnés absents. Ton regard erre, hésitant, en ces lieux déserts. On dirait bien que tu es seul.

Ou presque.

Ton cœur rate un battement lorsque tu reconnais l’homme qui fume en silence, allongé sur les planches qui supportaient autrefois les prestations des comédiens. Tu as du mal à croire à ta chance, et tes lèvres s’étirent en un sourire irrépressible.

Tes pas sont légers, silencieux alors que tu fais le tour par les coulisses ; et bientôt, au lieu du plafond qu’il contemplait quelques instants plus tôt, c’est ton visage qui vient envahir le champ de vision du boss.

— M’sieur Arsène ! t’exclames-tu d’un ton joyeux. Vous faites quoi ? Je peux vous aider ?

En tout cas, s'il avait envie d'être tranquille, tu viens de tout ruiner.

Tu lâches une exclamation de douleur lorsque la tête de l’homme se cogne contre la tienne, et comme lui, tu portes la main à ton front. Vous avez l’air malin, tous les deux. Et c’est entièrement ta faute, car comme il le souligne, tu aurais dû prévenir.

Ce que tu peux être idiot.

— Désolé ! Je ne voulais pas…

… vous faire peur, allais-tu dire, mais tu n’oses pas finir ta phrase, qui te paraît soudain bien présomptueuse. Toi, Xander, lui faire peur, à lui ? Le chef de l’organisation révolutionnaire qui fait trembler toute la ville ? En voilà une idée bien ridicule, qui ne fait qu’ajouter à la gêne que tu ressens déjà à cause de ta propre maladresse ; si bien que tu finis par rougir de honte.

Oh non. Tu es en train de te ridiculiser devant ton héros. Ça ne va pas du tout, ça, Xander. Il faut que tu te ressaisisses.

— Je… rien, bafouilles-tu. Enfin, je veux dire, je passais par là et je me suis dit qu’il y aurait peut-être quelque chose à faire…

Tu te passes la main dans les cheveux, un réflexe lorsque tu es mal à l’aise. Normalement, ça t’aide à te calmer, mais là, ça n’a pas grand effet. Tu es en train de parler avec Arsène, et il n’y a personne d’autre. Juste toi et l’homme que tu admires le plus au monde (à l’exception, peut-être, de ton père), dans l’immensité du théâtre abandonné. Il y a de quoi être intimidé, surtout qu'il ne te fixe pas d'un air particulièrement amical.

Tu avales ta salive.

— Est-ce que… vous voulez que je m’en aille ?

Ta voix se fait toute petite sur les derniers mots, presque suppliante. Tu n’as aucune envie de partir, bien sûr, mais si ta présence dérange, alors soit. Tu t’en iras sans causer de soucis, enfin, plus que tu ne l’as déjà fait.

Tu essaies d’afficher un air résolu, mais malgré tes efforts, ton expression s’approche de celle d’un chiot abandonné ; chagriné et pitoyable.