Lun 22 Oct - 23:47
La douleur fait trembler ses côtes et pourtant la nuit absorbe les sons, sa respiration sifflante, sa peine et puis. Déformés et renvoyés mille fois et cette écœurante faiblesse fait trembler les ombres, frétiller les charognes. Et le voilà devenu, carcasse fantasmagorique, chétive hérésie. Le chien jappe et l'homme faiblit de cette faiblesse qu'on ne peut désirer et qui imprègne déjà ses muscles, fait trembler le myocarde avec insistance lorsqu’il se rappelle de la sensation, d'un couteau qui lacère son poitrail. Peut-être n'aurait-il pas dû défier cet homme – alien là. Au moins il ne pouvait pas rester les pattes croisées en entendant cet autre chien se faire dépecer. Il y a des ombres qui dansent plus encore à l’abri des regards.
Le chien retrousse ses babines en entendant des bruits de pas. Prêt à déchiqueter le ou la première qui passe et qui fait mine seulement de s'approcher. Les souvenirs de l'homme se précisent. Il ne s’agit moins d'une longue estafilade, que d’une profonde douleur à l’égo pour celui qui se moque et mord, rabaisse, tord et casse avec facilité. Sans une once d’humilité. Il est tombé sur plus fort que lui et il jure qu’il lui fera payer. Qu’il ouvrira ses tripes avec ses dents et qu’il en retrouvera seulement un peu de dignité. Mais il faut se calmer et cesser de grogner encore contre les fantômes des assaillants passés. Un dévoreur de chien qu’on n’attrape pas ou plus et qu’il faudrait vraiment mettre en pièce d'ici la nuit prochaine. Il promet. Oui il promet, mais hélas, Chien ne tient plus sur ses pattes.
Il se laisse tomber sur le flanc de tout son long. Peut-être que c’est la fin. Oh et puis où se trouve le commencement et quand débarque l'entracte publicitaire de la vie ? Chien et hommes ne savent pas. Ils s’accordent alors que le souffle s'affole, le cœur d’un rossignol prêt enfin à imploser.
Reconnaître le mal. La douleur. Je te le ferai payer, payer, payer. L'animal jappe à la mort, à la lune, mais n'a plus de force, véritablement pour soutenir son cri et sa peine. Mais non les animaux ne hurlent pas. Ils ne ressentent pas. C’est beaucoup plus facile comme ça. Je te tuerai, tuerai, tuerai. L'humanité perd sa raison et il fait loin de la maison. Chez Dalida c’est encore trop loin et il le sait, car c’est bien là qu’il se rends
instinctivement quand les choses tournent mal. Parce qu’un chien sait qui est son maître et c’est pour cela qu’il ne perd jamais son chemin. Et cela le ramène à sa condition. Avec rage et désespoir.
L’animal bouge la tête. Les oreilles aussi, parce qu’il sait, il entend et malgré l’odeur de son propre sang il sait que l’odeur n'est pas la même que cet autre alien. C’est différent, parce que les humains sentent un peu d'une même pourriture. L'humain c’est qu’il n'est pas en reste non plus. Et le chien jappe de plus belle. Appelle à l’aide. Plus jamais je ne serai. Si faible. Faible. F A I B L E. Ses yeux se ferment avec difficulté, l'esprit parasité par la douleur, le mal, la nuit et le silence fait d’amplifier encore les bruitages de sa propre agonie. Ou bien s’agit-il simplement d’une blessure moins sérieuse. Il ignore comme il ignorait il y a une heure que la douleur faisait vrombir l'âme et pouvait déchirer des étoiles de fiertés plus opiniâtres encore que la montagne.
Il lutte jusqu’à la dernière seconde, jusqu’à ce qu’il ait l’impression d’avoir une main étrangère contre sa fourrure. Et il se calme. Parce que c’est ainsi. Jusqu’à perdre connaissance pour ne redevenir qu’un minuscule fragment d'humanité. Mais pour l'instant il est encore alerte, ou suffisamment pour accueillir le ou la nouvelle venue.