mes yeux dolents ont plaint mon cœur

amère – mégalomane – hargneuse – lasse – arrogante – mélancolique – doucereuse – rancunière – désabusée – passionnelle – insatiable – bienveillante auprès de ses pairs – manipulatrice – sentimentale – hérétique – complexe de dieu – « je fais ça pour votre bien » – mange plus que nécessaire : ni écœurant ni plaisant elle répond juste à un besoin naturel – incarcérée pendant les vingt dernières années pour un crime qu’elle n’a pas commis – n’est plus la bienvenue sur la racine – tragédienne enamourée de shakespeare et de dante – rire et larme faciles.

bercée de fleuves néantesques ou éveillée à l’amertume de la chair, styx ne vit qu’une fois : quand le sang coule sur ses doigts comme un pétrole incandescent.
elle a la langue fourchue d’une foi vipérine, le cœur aliéné par des siècles de sinistres carnages ; styx a porté bien des couronnes d’épines dont elle s’est parée de ses mains noircies de terre.
aux souillures de son âme altérée elle se soumet, reine impie d’un royaume morbide elle a le ventre plein d’une chair vivace, la bouche pleine de la cendre des damnés. c’est sans flancher qu’elle se parera du parjure comme d’une robe nimbée de sang, à la fois monarque et régicide elle sera de tous les combats et abattra toutes les épées : ses émois sont de plombs comme les diadèmes dont elle se coiffe.
on hurle STYX comme le nom même de la mort, bénie des rayons noirs de la lune et des eaux d’océans titanesques elle a broyé bien des crânes pour s’en repaitre sans dégoût ni plaisir. diable à la peau de marbre écorchée par les crochets de serpents d’airain elle n’a dans les entrailles que l’écho de la pierre — en voilà une macabre vénus.

mort barbare, ennemie de pitié, mère éternelle de douleur,
cruel, implacable décret,
tu vins nourrir mon cœur en deuil,
et c’est pourquoi je vais songeur, forçant ma langue à te maudire.

(la divine comédie)