quand il était petit, achilles croyait au mythe des cigognes.
à l'orphelinat, on lui avait dit que s'ils étaient là, c'était que les volatiles s'étaient trompés ! qu'ils avaient placé les bébés dans les mauvaises familles et qu'il leur fallait retrouver les véritables propriétaires des enfants.
il y pensait beaucoup, aux cigognes, à quatre ans - à poser des milliers de questions aux plus grands. pourquoi tes parents sont pas venus te chercher, dis ? pourquoi toi, ils ont pris autant de temps à se rendre compte qu'ils s'étaient ratés ?
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- cabinet du janha district à l'appareil, bonjour.
- bonjour docteur, c'est madame hohenberg, c'est à propos de mon fils.
- achilles, c'est ça ? il va mieux depuis le dernier rendez-vous ?
- il refuse de manger, il se rend malade et se met à hurler quand on l'approche. j'ai peur de le braquer encore plus en le forçant. mon mari et moi ne savons pas quoi faire. je crois qu'il a peur de nous attaquer.
- avez-vous un ou une proche erog ?
- non, vous savez nos collègues sont principalement humains. et nos familles respectives de même.
- amenez-le moi ce soir, je le ferai manger avec ma femme.
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il n'y'a pas cru, quand ces grands adultes à l'allure trop proprette pour un gamin de son genre venez le voir régulièrement - d'abord c'était des vêtements, parfois des gâteaux, et même s'ils avaient l'air très fatigués, ils ne manquaient jamais aux rendez-vous.
un jour on lui a dit que c'était bon, il était sorti de cette prison grouillante d'enfants ! il n'était plus orphelins car les cigognes avaient fait demi-tour pour le cueillir et le mettre dans d'autres bras plus aimants, plus aptes à accueillir un mioche.
on lui a dit : tu seras un bon alien, tu serreras les poings et tu apprendras à sourire.
on lui a dit : tu seras un bon humain, tu ne feras pas honte à l'orphelinat et tu seras gentil avec tes nouveaux parents.
on lui a tout bien expliqué, que s'ils venaient c'était parce qu'ils pouvaient pas avoir leur propre bébé et qu'ils n'en avaient que faire des distinctions de races et de besoins, qu'ils l'aimeraient tout entier comme si c'était le leur.
ce jour-là, il a beaucoup pleuré.
c'était une famille atypique, mais fonctionnel : à cinq ans il pouvait le comprendre qu'il serait aimé.
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-merci pour tout ce que vous faites, docteur.
-c'est normal, les enfants ressentent une difficulté à se nourrir face à leurs parents s'ils n'en font pas de même. surtout que maintenant qu'il est lucide et grandi, il comprend qu'il est différent de vous.
-vous... vous pensez qu'il nous aimera toujours ?
-bien sûr, s'il est comme ça c'est qu'il a peur que vous le trouviez dégoûtant. j'ai eu l'occasion de lui en parler un peu. c'est parce qu'il vous aime qu'il ne veut pas vous infliger ça.
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plus cet enfant grandit, plus il comprend son aspect terrifiant : il se regarde dans le miroir et son reflet.
il constate ses poings abîmés, sa carrure, il comprend qu'il est de moins en moins docile aux yeux de tous et que c'est pour cela qu'on le regarde mal dans les dédales du mib.
c'est un erog.
il fallait se faire une raison, plus il grandirait plus ils auront peur, plus ils le mépriseront car ça sera de moins en moins chez lui ces couloirs blancs qu'il a arpenté des centaines de fois - et que même si sa mère avec ses jolies joues rondes, continuera à lui sourire, et même si son père avec sa grande main continuera à lui tapoter l'épaule, il n'aura plus le droit de déambuler au gré de ses envies car il sera trop conscient, car c'est un alien.
il grandissait dans un monde où il fallait être humain.
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on complimente souvent ses parents sur à quel point il a une bonne tête, à quel point il est beau et correct contrairement à certains erogs - c'est bien achilles, tu serais presque accepté dans cette société.
c'est bien achilles, tu sais sourire quand il le faut et même si parfois des insultes t'échappent, même si parfois tu casses tes stylos - ce n'est pas grave, tu es un bon alien.
ça lui donne envie de pleurer de froid.
Mer 29 Aoû - 5:11
