they made you a warrior

On n'a jamais voulu de son humanité ni de tout le bagage encombrant que sous-entendait le mot. Cassandra devait-être plus froide que la pierre, moins morale que le plus dépravé des êtres humains.

On ne lui demandait pas de réfléchir. Les lames ne pensent pas.

Elles tranchent.

La première fois qu'elle s'est plantée dans la chair d'une autre créature, Cassandra s'est brisée en milles. Quand elle a regardé la mort envahir les yeux d'un autre, quand elle a lu son effroi dans des grandes pupilles qui devenaient vitreuses, elle s'est enfuie d'horreur.

Depuis elle s'efforce d'exister.

Cassandra balbutie comme un bambin et titube comme un faon. Son souffle est celui d'un homme qui se réveille après une nuit trop longue. Sur les décombres fumantes d'un empire dont elle ne voulait pas et qu'elle a rasé elle même, elle peine à se reconstruire. Les vestiges de son passé la hante encore. Elle rêverait de les condamner pour toujours à l'oubli mais dans leurs spectres sordides, il y a tout ce qu'elle est, et si ce n'est pas grand chose, c'est tout ce qu'elle a jamais eu.

Alors Cassandra ne veut qu'une chose ; se réinventer. Elle se mêle au monde pareil à un marin qui se noierait en pleine mer. Elle s'emplit des nuances de l'univers à la recherche d'une teinte différente du noir ou du gris qu'elle a toujours connu et peut-être qu'ainsi, elle finira par devenir d'avantage qu'une ombre, d'avantage que la négation constante qu'on a voulu faire d'elle. Dans son éducation, il n'y jamais eu de place pour une identité qui lui aurait été propre. Il n'y a jamais eu de place pour un quelconque désir visceral. Cassandra ne s'est définie qu'à partir d'interdits, de contraites et d'obligations ; ni son cerveau, ni son corps ne lui ont jamais appartenu. Elle a vécu dans son propre déni, s'est habituée à n'être d'avantage qu'un pantin manipulable et le squelette d'une petite fille.