( j'ai vendu ma misère pour une voix de soumission )

♯ aussi aimable qu'une porte de prison ♯ a perdu sa femme dans une mission terroriste de l'unité, en dit rarement plus et rarement autant ♯ plus de deux mètres de blancheur ♯ considère les humains comme des parasites ♯ ne le dira jamais ♯ mais le pense vraiment très fort ♯ aime la nature ♯ déteste qu'on le touche sans y être convié ♯ serviable, et ça même avec les humains ♯ étrangement bonne poire ♯ porte des chemises trop blanches ♯ n'a pas peur d'user de la violence pour avoir des informations ♯ constamment armé ♯ méprise la souillure ♯ la supporte toutefois ♯ fleur bleue ♯ loyal ♯ tranché ♯ peu démonstratif ♯ a un faible pour le verre de whisky de vingt-trois heures ♯ fuit les bars ♯ trop fier pour l'avouer ♯ droit ♯ manichéen ♯ direct ♯ parfois (souvent) cinglant ♯ fait une vingtaine d'années à tout casser ♯ les personnes qui défilent dans son lit se ressemblent toujours ♯ paternaliste ♯ "tout n'est que justice" ♯ les métisses et les humains au même niveau ♯ prend au sérieux les men in black ♯ rit des BOOM ♯ roule des yeux face à l'ERK ♯ méprise les citizens ♯ s'intéresse aux antis ♯

la justice a ses raisons que la raison ignore.

si l'opprobre ne s'étale jamais sur son épiderme, c'est qu'il se tient toujours droit.
il glisse le long de ses cheveux, de son cou, de sa chemise et de ses bras.
s'il ne sourit jamais, c'est que la joie est un outrage à son impassibilité.
elle teinte son blanc préfabriqué et lui donne joliment la couleur des émotions.

hyacinth est irréel, il déclenche les ires des insatisfaits des rues et c'est bien en cela qu'il est cruel, cet enfant d'autre part brûle les ailes des insolents icare sans aucuns remords.
c'est un robot éperdu par le manque, qui agit sans hésitation, qui ne tremble jamais et se brusque qu'aux outrages trop violents : il lui faut des tempêtes pour l'ébranler.

ils disent que son visage sans rides a connu les beaux jours riants, les éternels étés à deux avec les regards en coin un peu timides oui, ils disent que lui aussi, il a ressenti !
qu'il a été lui aussi le tendre géant aux pas discrets quand l'aimée était toujours à son bras, dans la discorde de l'humanité, la foule sans distinctions de races.

est-ce là une illusion ? de l'avoir su rougissant de son amour ?

et maintenant sa démarche est lourde, et maintenant il semble triste titan : c'est donc cela l'abandon ?
peut-être que malgré que son palpitant résonne parfois aux émois, il a arrêté d'espérer.

il n'a plus rien à donner mis à part un peu de sa miséricorde dégoulinante, de cet état mélancolique constant à regretter les heures heureuses- il offre des bras à l'affection éreintée à ceux qui ressemblent à l'échouée.
à celle qu'il n'a toujours pas pu oublier.

mais non hyacinth n'est pas un triste poème non, c'est du béton à qui on a rajouté une couche de fer froid pour se construire une carapace qui donne l'impression qu'on ne peut atteindre son sein : il ne faut pas avoir de pitié pour les anarcoeurs.

au bout du petit matin, l'extrême, trompeuse désolée eschare sur la blessure des eaux ; les martyrs qui ne témoignent pas ; les fleurs du sang qui se fanent et s'éparpillent dans le vent inutile comme des cris de perroquets babillards ; une vieille vie menteusement souriante, ses lèvres ouvertes d'angoisses désaffectées ; une vieille misère pourrissant sous le soleil, silencieusement ; un vieux silence crevant de pustules tièdes, l'affreuse inanité de notre raison d'être.

( aimé césaire )